Que faire des filets de pêche usagés ? L’UBS planche sur des solutions
Que faire des filets de pêche usagés ? L’UBS planche sur des solutionsAujourd’hui, la plupart des filets de pêche usagés partent à l’enfouissement. Claire Allanos est ingénieure à ComposiTIC. Elle nous parle des solutions sur lesquelles travaillent les ingénieurs de l’UBS pour favoriser le recyclage.
Quels sont les problèmes posés par les filets de pêche usagés ?
Vous avez peut-être déjà ramassé des petits morceaux de filets de pêche échoués sur le sable. Normal : la Commission Européenne estime que les déchets issus de la pêche représentent près d’un quart des déchets plastique que l’on retrouve sur nos plages ! En Bretagne, sur certaines plages le chiffre monte même à 40% ou 50%. Ce sont des filets usagés, perdus lors de tempête, qui dérivent parfois depuis des années… Avec des conséquences délétères pour l’environnement marin. Car les filets perdus en mer peuvent continuer à capturer la faune : c’est ce qu’on appelle la pêche fantôme. Une fois réduits à l’état de microparticules de plastique, ils peuvent aussi être ingérés par la faune marine et contaminer la chaîne alimentaire.
ComposiTIC est engagé dans le projet Free LitterAT, pour un littoral atlantique sans pollution plastique. Dans ce cadre, nous réfléchissons plus particulièrement à des solutions pour la prévention, la collecte, et le recyclage de ces filets de pêche. En France, la réflexion sur ces sujets ne date que de quelques années.
Première étape avant le recyclage des engins de pêche usagés : la collecte. Comment ça se passe aujourd’hui dans les ports de pêche français ?
Cet été, Enora Fleury et moi avons visité 6 ports de pêche français, en Bretagne et en Normandie, pour enquêter sur les pratiques adoptées par les ports.
Nous avons pu constater combien les pratiques sont variées. Certains ports ont une organisation assez bien rodée : les filets sont collectés, préparés en big bag, et envoyés au recyclage, mais c’est loin d’être toujours le cas. On a essayé de voir dans chaque port s’il existait un plan pour les déchets, s’il y avait des bennes pour la collecte et si oui combien, s’il existait des installations spécifiques pour démanteler les filets, si les déchetteries des ports étaient fermées ou ouvertes à tous…
Les situations sont très diversifiées et nos visites ont généré de nombreuses questions, et notamment celle de la responsabilité : qui doit gérer ces déchets ? Les gestionnaires de port ? Les pêcheurs ? Qui doit préparer la matière pour l’envoyer en recyclage ? Sachant que la gouvernance varie d’un port à l’autre : ils sont parfois gérés par une CCI, par une commune, un syndicat mixte. Pas évident de trouver une réponse qui conviendra à tous.
Il faut bien pourtant : la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 impose qu’à partir du 1er janvier 2025, les engins de pêche contenant du plastique, relèveront du principe de responsabilité élargie du producteur (REP). C’est-à-dire que le matériel de pêche usagé devra être recyclé et que ce sont les producteurs, c’est-à-dire les personnes qui mettent sur le marché les engins de pêche, qui devront financer ce recyclage.
Cet été, Claire Allanos et Enora Fleury ont enquêté sur les pratiques de collecte des filets usagés dans plusieurs ports de pêche français.
Claire Allanos observe les pratiques de collecte dans les ports de pêche
Comment sont recyclés aujourd’hui les engins de pêche usagés ?
Ils ne le sont pas, ou très peu et la plupart des déchets de la pêche partent en enfouissement. On est en plus sur des engins multi-matériaux : les filets en nylon d’un côté, et les chaluts de l’autre, en polyéthylène majoritairement, avec des éléments en métal. Les problématiques ne sont pas les mêmes.
Pour ce qui est des filets, il n’existe en Bretagne qu’une seule société qui recycle les filets fins, qui les transforme en granulés plastiques. Pour les chaluts, il n’existe pas encore de solution française : ce sont des engins lourds, difficiles à manipuler, qui nécessitent d’être démontés pour être recyclés. Aujourd’hui, il n’y a qu’au Danemark qu’on peut les recycler ! Certains chaluts y ont été envoyés depuis la France, mais de façon encore très marginale, en général dans le cadre de projets pilotes.
Claire Allanos et Morgan Deroiné sur le terrain
ComposiTIC a commencé à plancher sur des solutions pour le recyclage des filets
Oui, et pour ça, ComposiTIC s’est équipé de trois machines. Une déchiqueteuse, qui coupe le filet en morceaux grossiers, une broyeuse qui permet d’obtenir des morceaux plus petits, et une thermogranulatrice, pour reconstituer le plastique en granulés prêts à être retravaillés pour une nouvelle vie.
Une équipe d’ingénieurs travaille aujourd’hui sur ces machines pour tester des solutions. Ils ont commencé à travailler sur les filets de nylon, avec un objectif en tête : trouver la bonne recette de recyclage, qui permette d’intégrer au maximum les cordelettes que l’on retrouve dans ces filets, et qui sont composées dans un autre type de plastique. L’idéal serait de ne pas avoir besoin de les trier. Ils vont donc déterminer dans quelle mesure la présence de ces résidus de cordelettes a une incidence ou non sur les propriétés des granulés.
Avec l'arrivée de la déchiqueteuse, ComposiTIC est désormais opérationnel pour des tests complets de recyclage de filets.
Des morceaux de filets de nylon après un passage dans la déchiqueteuse
Crédits photographiques : ©Université Bretagne Sud. Service Communication