Planète-conférences-La baie du Mont St Michel

Planète-conférences - La baie du Mont St MichelConférence de Marie CASSET à Vannes.

La conférencière, Marie CASSET

Marie Casset, Maître de conférences à l'Université Bretagne Sud.

 

La baie du Mont Saint-Michel, le mardi 8 décembre 2009

La baie du Mont Saint-Michel a fait et fait encore couler beaucoup d'encre dans tous les domaines de l'écrit : romans, romans policiers, ouvrages d'historiens anciens comme récents, sérieux comme fantaisistes et surtout ouvrages de scientifiques essentiellement des sédimentologues, écologues et géologues, particulièrement excités par le contexte exceptionnel de cette baie et la gageure scientifique que représente l'élucidation de son colmatage sédimentaire. Ils ont éclairci et restitué les variations du tracé du trait de côte pour les IIIe-IXe siècles et les XVIIe-XXe siècles. Ils ont également bien repéré les divagations des cours estuariens des petits fleuves côtiers (Couesnon, Sée, Sélune) depuis le XVIIIe siècle jusqu'à la canalisation du Couesnon au milieu du XIXe siècle. En revanche, un questionnement critique sur le cours des fleuves pour les périodes antérieures n'a jamais été entrepris et cette lacune de la recherche laisse penser qu'il en a toujours été ainsi.

Les historiens et en particulier les médiévistes ont ignoré la baie et le Couesnon a été une véritable frontière. Ces 50 dernières années n'ont produit que de rares travaux sur les paroisses et la poldérisation au XVIIIe siècle, sur les salines au XIXe siècle. Seul A. Chédeville a rapidement exposé à partir des seules sources écrites médiévales l'assèchement du marais de Dol et la poldérisation sur le littoral breton entre le XIe et le XVe siècle. Ce silence est généralement justifié par les lacunes abyssales des sources écrites médiévales, par la disparition quasi totale des archives des grandes seigneuries possessionnées sur le littoral.

Le défaut de sources concernant la mise en valeur des terroirs n'est cependant pas total et il n'est pas propre à nos régions. Il faut donc travailler autrement comme cela a été fait pour des sites littoraux, revenir aux textes contemporains du travail des hommes qui informent clairement à la fin du XIIe siècle sur un processus de conquête et de mise en valeur agricole d'herbus (viridaria). Il ne faut pas hésiter à puiser dans les sources modernes écrites comme cartographiques dont nous verrons la grande richesse pour le sujet qui nous retient.

Il nous faudra beaucoup de patience et d'imagination raisonnée pour appréhender les formidables mutations des espaces littoraux anthropisés qui sont intervenues en trois grands épisodes successifs depuis les XIe-XIIe siècles, où chacun modifie voire anéantit les agencements précédents. L'évaluation de la situation au Moyen Age ne peut s'effectuer qu'en remontant le temps. La conjugaison des sources médiévales parcimonieuses avec les informations fournies par les sources modernes (cartes et plans, dossiers d'aménagements et dossiers judiciaires) et les données issues des recherches naturalistes en particulier sédimentologiques, permet d'évaluer jusqu'à un certain point les mutations du littoral à partir du XIIe siècle.