Sortie d'ouvrage - Le code pénitentiaire revisité par Stéphanie Renard et Eric Pechillon

Le code pénitentiaire revisité par des enseignants de la faculté Droit & Science PolitiqueStéphanie Renard et Eric Pechillon ont publié un code pénitentiaire annoté et commenté, découvrez leur interview.

Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Avec quelques amis, dont le responsable du pôle contentieux de la section française de l’observatoire international des prisons (OIP), Nicolas Ferran, nous sommes engagés au sein de l’association Juristes solidarités que nous avons relancée depuis un peu plus d’un an. Il s’agit d’une association visant à la diffusion du droit et à l’analyse de ses usages socio-politiques. Dans ce cadre, nous organisons notamment des webinaires mensuels ouverts à tous, dont les étudiants. Il est important pour nous de susciter la curiosité et de favoriser l’accès à la recherche le plus largement possible.

Comment avez-vous été impliqués dans ce projet de mise à jour du Code pénitentiaire ?

Nous n’avons pas été impliqués dans le projet, mais nous l’avons initié en 2022 lorsque nous avons proposé aux éditions Dalloz de publier un code pénitentiaire annoté et commenté. Les mises à jour annuelles, dont celle-ci qui est la première, font partie du projet global (sans limite de durée). Il s’agit de suivre l’actualité juridique de la matière, tant au niveau des textes eux-mêmes (lois et règlements) que dans leur application et leur interprétation par l’administration, la doctrine et les juges.

Qu'est-ce qui vous a motivé à initier ce projet ?

Le projet puise ses origines dans une discussion de travail, comme il en existe tant entre universitaires. Éric est l’un des rares spécialistes français du droit pénitentiaire qu’il a notamment travaillé pour son doctorat (thèse Rennes 1, 1997 : Sécurité et droit du service public pénitentiaire). Nos recherches se rejoignent sur de nombreux points, notamment les libertés fondamentales et l’ordre public, dont nous parlons régulièrement depuis… 1995 ! Dans ce cadre, nous menons régulièrement des travaux communs, dont L’inapplication de la règle de droit paru en 2021 ou Contrôler la psychiatrie ? récemment publié.

 

Lorsque le droit pénitentiaire a été codifié par le législateur, c’est assez naturellement que j’ai (Stéphanie) pensé qu’avec Éric nous pourrions constituer une équipe de chercheurs pour contribuer à l’émergence de cette discipline et aller au-delà du texte codifié.

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés lors de la mise à jour du Code pénitentiaire ?

Si elle oblige à une veille juridique quasi-constante, la mise à jour n’est pas en soi un exercice très difficile. Le plus complexe a été de construire la première version du code : organiser les commentaires et annotations, trouver le registre de langage et d’approfondissement, harmoniser les apports de chaque auteur.

La principale difficulté se trouve dans la « jeunesse » du code : en effet, la jurisprudence ne fait pas ou peu référence à ses dispositions, mais s’appuie sur les textes antérieurs à charge pour nous d’opérer les liens. Un autre défi se trouve dans la transversalité de la matière qui fait appel à plusieurs disciplines du droit : le droit administratif, le droit de la procédure pénale, le droit des libertés fondamentales, le droit de la fonction publique, etc.

Quels ont été les retours que vous avez reçus jusqu'à présent ?

Excellents ! Nous préparons déjà la troisième édition. Le code pénitentiaire est qualifié de code « de niche » par l’éditeur : il ne fait pas partie des codes obligatoires pour les étudiants comme le code civil ou le code pénal. Il s’est malgré tout extrêmement bien vendu, notamment auprès des BU, des juridictions et des avocats. Nous sommes très fiers des retours de ces derniers qui le trouvent utile et de qualité.

En quoi cette expérience a-t-elle enrichi votre enseignement ou votre recherche ?

Le thème intéresse de nombreux étudiants, de licence comme de master. Ils ont rapidement compris que le droit pénitentiaire est représentatif de problématiques juridiques et sociales plus globales. Depuis la parution du code, les étudiants de licence notamment prennent appui sur notre expertise pour organiser des manifestations : cycle de conférences Pratik Ô Droit sur le « Sens de la peine au XXIe siècle » en 2023-24 ; table-ronde Citoyens Étudiants sur les femmes détenues en 2025. Le code crée une véritable dynamique dans nos amphis.

Sur le plan de la recherche, la rédaction du code a été le point de départ de nouvelles réflexions théoriques consacrées au droit de l’enfermement. Nous travaillons aujourd’hui à faire émerger une nouvelle matière juridique régissant tous les types d’enfermement. Un article-cadre de Stéphanie (« Penser le droit de l’enfermement ») va paraitre dans quelques jours sur ce sujet (à la Revue des droits de l’homme) pour poser les jalons conceptuels. Nos premiers articles ont été très bien reçus par les chercheurs et les professionnels du droit (v. notamment, « L’émergence du droit constitutionnel de l’enfermement », RDLF 2025, chron. n° 03 et « Vers la consolidation du droit de l’enfermement ? », RDLF 2025, chron. n° 18) et l’UNJF nous a commandé un cours en ligne pour la rentrée 2025. L’été sera à nouveau studieux !

 

 

Crédits photographiques : ©Université Bretagne Sud. Faculté DSP