« Tout commence autour d’un repas au restaurant »

« Tout commence autour d’un repas au restaurant » L’UBS a 30 ans ! 30 ans d’histoire et d’anecdotes. Alors pour l’occasion, on a discuté avec celles et ceux qui ont vu et fait grandir notre université. Épisode 4 de cette série d’articles : on remonte le fil de l’histoire avec Gérard Le Bouëdec. Et pas n’importe quelle histoire : celle des sciences humaines et sociales à l’UBS.

« Tout commence en 1988 autour d’un repas au restaurant, lors de la sortie d’un livre collectif sur l’histoire de Lorient, auquel j’ai contribué. Jean-Yves Le Drian, alors maire, s’adresse à mon collègue Claude Nières : peux-tu faire une étude de faisabilité pour créer un laboratoire d’histoire maritime à Lorient ? »

 

Juillet 2025, Quiberon. C’est par cette anecdote gastronomique que Gérard Le Bouëdec démarre son récit.

 

 

Sur son bureau, des archives impeccablement conservées et classées : photos, coupures de presse. Dans ses mains : ses notes, prêtes. Pas de doute, on a affaire à un historien.

Et pendant une heure, nous allons remonter avec lui le fil d’une histoire particulière. Celle de l’ancrage des sciences humaines et sociales à l’Université Bretagne Sud.

Quand l’UBS n’était pas encore l’UBS

Professeur émérite, ancien - et premier ! – doyen de l’UFR Lettres Sciences Humaines et Sociales, passé par la vice-présidence recherche de l’UBS … Il n’est pas exagéré de dire que Gérard Le Bouëdec est une figure de l’université.

 

Son arrivée à Lorient remonte à 1990. À l’époque, le site n’est encore qu’une antenne de l’Université Rennes 2. Il se voit confier un cours d’histoire économique auprès des étudiants du DEUG de LEA. Le Paquebot n’existe pas encore : les cours se tiennent dans les locaux de l’ancienne école maternelle de Nouvelle Ville. « La BU était dans l’ancien préau. J’y ai passé les premières commandes de livres d’histoire », se souvient-il.

 

Il pressent déjà un basculement. « J’ai la conviction que l’on évolue vers la création d’une université », confie-t-il.

 

Mais n’allons pas trop vite.

 

En 1993, Rennes 2 décide d’ouvrir un DEUG d’histoire à Lorient. Deux postes de Maîtres de conférences sont créés. Gérard Le Bouëdec est alors professeur au lycée d’Hennebont, chargé de cours à Lorient, et engagé dans le développement de la recherche en histoire maritime – amorcé après le fameux repas de 1988. Il est le candidat naturel. Reste un point à régler : sa thèse. « Il fallait absolument que je la soutienne à temps ! » Le temps presse, mais il tient les délais, et décroche le poste de Maître de conférences.

Une rentrée en fanfare

Dès septembre 1993, la nouvelle filière attire du monde : 230 étudiants sont préinscrits. En parallèle, la recherche se consolide et un colloque international sur la Compagnie des Indes réunit un public nombreux. « On a démarré en fanfare », résume-t-il.

 

Puis vient l’annonce décisive. En 1994, alors que le Parlement de Bretagne brûle, le Premier ministre Édouard Balladur confirme la création de l’Université Bretagne Sud. L’ouverture est prévue pour la rentrée 1995. « La grande question à la fin de l’année 1994, c’était : quelle licence allons-nous ouvrir en sciences humaines et sociales l’année suivante ? »

 

Une réunion générale se tient chez le Recteur, juste avant Noël. Gérard Le Bouëdec arrive avec ses arguments. « En histoire, nous avions déjà beaucoup d’étudiants. Et un projet de recherche structurant. » 1995 : la première rentrée de la toute nouvelle Université Bretagne Sud se fait donc avec une Licence d’histoire.

 

Les « années Doliprane »

Démarre alors la période d’administration provisoire. « Là, ça commence à être difficile » admet Gérard Le Bouëdec. « En 1995, je suis le seul professeur de Sciences humaines et sociales, présent dans toutes les instances. » Et il entend défendre une vision : celle d’un établissement pluridisciplinaire, où les sciences humaines et sociales ont toute leur place.

 

« Il y avait des divergences à l’époque sur ce que devait être cette nouvelle université. Certains plaidaient pour un modèle d’université technologique à l’image de celle de Compiègne. »

Alors Gérard Le Bouëdec est partout. Au bureau directoire tous les mardis soir pour discuter plan de formation et moyens, au Conseil d’administration, au comité d’orientation où se dessinent les contours de l’université… Des réunions où l’ambiance est, dans ses souvenirs, plutôt tendue.

 

« Je me souviens d’une réunion où un intervenant a déclaré que les sciences humaines et sociales étaient utiles… pour donner aux étudiants en sciences un vernis culturel. Ça m’a fait bouillir. » Gérard Le Bouëdec ne lâche rien. « Ce sont mes années Doliprane. Je sortais de réunion avec un mal de tête. »

 

Mais le combat est payant et les bonnes nouvelles s’enchaînent. Parfois grâce à un soutien inattendu : « La licence de lettres a été appuyée un samedi matin par le patron d’Intermarché, lors d’une réunion sur la formation » se souvient Gérard Le Bouëdec. La licence d’espagnol ouvre également. Ainsi que la maîtrise d’histoire en 1996. Côté recherche, une étape importante est franchie en 1998 avec l’habilitation du laboratoire d’histoire maritime. « C’est une grande fierté. C’est la première équipe de recherche en sciences humaines et sociales reconnue de l’UBS. »

 

En 2000, l’ère de l’administration provisoire prend fin. L’université élit son premier président. Un certain équilibre s’installe. Les sciences humaines et sociales ont gagné leur place. Et Gérard Le Bouëdec est élu directeur de l’UFR Lettres Sciences Humaines et Sociales.

Une période enthousiasmante

La suite ? « C’est une période très enthousiasmante qui s’ouvre pour les sciences humaines et sociales » raconte Gérard Le Bouëdec. Les formations se développent, les équipes s’étoffent, les projets de recherche sont financés. « Ça fonctionnait » résume-t-il. Et de belles reconnaissances s’enchainent. Lorient devient le siège du GIS d’histoire maritime : « on a démontré qu’une petite université peut devenir tête de réseau ! », la maison de la recherche pour les sciences humaines et sociales ouvre au Paquebot en 2007…

 

Mais sa plus grande satisfaction ? Ce sont ses étudiants bien sûr. « Quelle chance de pouvoir encadrer des doctorants » s’exclame-t-il. « C’est une richesse extraordinaire. Je leur disais toujours que j’apprenais avec eux. »

 

L’heure tourne. Il est temps de ranger notes et archives.

 

C’est un véritable cours d’histoire qui s’achève !

 

 

Cet article fait partie de la série « Ils racontent l’UBS ».

 

 

Crédits photographiques : ©Université Bretagne Sud. Service Communication